TRADITIONS

 

LEGENDES, ARTS ET TRADITIONS POPULAIRES 

   Les étymologies du nom de Jujurieux relatives aux eaux courantes: Sussurrus, murmure des eaux, ou digens reuss, petit ruisseau, à cause de la forme patoise Digeroeu, selon Henry Durand, ou aux incursions sarrasines: Djurjura en Algérie, selon, Charles Jarrin, apparaissent comme fantaisistes.

   Selon la tradition orale, l'origine du nom du quartier de La Courbatière est à mettre en rapport avec le  bât des chevaux. Après avoir fait une halte dans une cour, chevaux et mulets étaient bâtés avant de poursuivre leur route. Des chercheurs donne une autre étymologie

   De même, le hameau de la Tuilière était (aurait été ?) le lieu de fabrique de tuiles pour la seigneurie de Varey.

   Chaux : la tradition orale veut qu'il y ait eu, en haut du hameau, une entrée de grotte très importante. Par cette ouverture il aurait été possible d’accéder à un lac souterrain, découvert en 1863, qui communiquerait avec de celui de Nantua.

   Vieillard: à la  Révolution, des statues auraient été jetées dans une vigne

   La Dame Blanche:            

    Lors de la bataille du Pré d’Aisiat (ou Esia), le seigneur du Châtelard périt au combat. L'épouse de ce sire impétueux, dit-on, vint, à la nuit, chercher son corps  au milieu des cadavres. Sa raison ébranlée fit qu'elle revint dans le pré d'Aisiat jusqu'à la fin de ses jours. Peu à peu une légende naquit et très vite la rumeur populaire prétendit qu’après sa mort son fantôme hantait la vallée. Parmi les brumes de la nuit on peut la voir glisser, insaisissable, le long du Riez. A Noël, elle apparaît dans une église de la région. Elle n'est point agressive et symbolise la fidélité conjugale. Une autre tradition fait de la Dame Blanche une dame de Varey, contemporaine de la campagne militaire du Maréchal de Biron, en 1601.

    Georges Merlin, natif de Jujurieux, prétend dans son ouvrage : "Promenades en Bugey, Jujurieux et les environs"  que le compositeur Boieldieu, qui fréquentait le baron Maupetit - propriétaire du château des Echelles - aurait eu, au cours d'une rencontre en cette demeure avec Jules Ward, connaissance de cette histoire et l'aurait associé à un conte écossais pour réaliser son opéra La Dame Blanche. Georges Merlin était plus poète qu’historien. Il y a là une seconde légende. Il suffit pour s’en convaincre d’observer que Jules Ward avait cinq ans à la mort de Boieldieu en 1834, qu’à cette date, sa famille n’habitait pas encore Jujurieux et que La Dame Blanche a été créé quatre ans avant sa naissance...     

   Walter Scott a suffi à Boieldieu et l’on ne sache pas que celui-ci soit venu à Jujurieux. En revanche, Jules Ward, qui militait pour populariser la bonne musique, siégea en 1864, au Concours musical d’orphéons de Lyon, dans les mêmes jurys qu’Adrien Boieldieu, fils du célèbre compositeur, compositeur lui même, venu sans doute de Paris comme Léo Delibes ou Camille Saint-Saëns. D’autre part, Ward s’intéressait au mythe de la « Blanche fée » et mit en musique un poème de F. Sublet, "la ballade du Châtelard". Il dédia cette oeuvre à la baronne Christophe Maupetit, bonne musicienne qui le recevait au château des Echelles et le patronait comme plusieurs notabilités de Jujurieux.

   La Dame Blanche de Jujurieux est bel et bien à l’origine d’une pièce en quatre actes pour théâtre de marionnettes dans la plus pure tradition du guignol lyonnais : "Le mystère de Châtelard", jouée deux fois à Jujurieux, dont une en plein air, dans la cour du château des Echelles, pour les journées du patrimoine de l’année 1997.

   Une expérience récente du RIP (Recherches Investigations Paranormal) de mise en évidence du fantôme de la Dame Blanche sur les lieux du Châtelard n’a pas apporté de résultats concluants.

   La brebis noire

   La nuit, entre Saint-Jean-le-Vieux et Jujurieux près d'un endroit appelé Barberousse*, erre une brebis noire qui au lieu de bêler lamentablement, s'approche sans bruit d'un paysan attardé, lui pose ses pattes de devant sur les épaules et le force à la prendre en charge. D'abord légère, elle devient bientôt de plus en plus lourde. Mais on ne peut s'en débarrasser : il faut la promener ainsi toute la nuit, par monts et par vaux, jusqu'à épuisement complet. Après quoi, elle disparaît.

   Barberousse : en cet endroit, mentionné sur la carte de Cassini, on pouvait encore voir il y a peu une grange présentant quelques éléments du XVIeme siècle, sans doute les restes d'une maison de maître. Depuis peu, elle s'est effondrée complètement.

Il y a, paraît-il, un bon moyen de se protéger des atteintes sournoises de cette bête diabolique: il suffit d'enfiler ses chaussures à l'envers.

D’après le baron Raverat : les mauvaises langues prétendaient que la brebis noire s'attaquait de préférence aux cultivateurs qui s'attardaient trop, le dimanche soir, dans les cabarets.

   La Vogue

La  vogue est l'appellation utilisée dans l'aire franco provençale (correspondant en France à la majeure partie de la région Rhône-Alpes) pour désigner la  fête patronale (du saint patron) annuelles de chaque commune. Généralement celle-ci consiste en une fête foraine (manèges, attractions, auto-tamponnantes...). C'est également lors des vogues que se tiennent les fêtes des conscrits qui honorent les classes de naissance.

A Jujurieux, la fête du village a lieu le premier dimanche du mois d’août. Jour de la fête de Saint-Etienne, le 3 août (de la découverte des reliques de Saint-Etienne, car la fête de Saint-Etienne, 1er martyr, a lieu le 26 décembre). Elle réunit  traditionnellement  les familles autour d’un repas.

Les premières mentions, connues à ce jour, de la fête datent des années 1860. La toute première est faite par un jeune employé de l’usine, Jean-Marie Pointet qui écrit à ses parents le 4 août 1864 : « Nous faisons la vogue dimanche » : le mot est donc prononcé. L’année suivante, Mme Henry Durand, l’épouse de l’historien de Jujurieux, évoque la fête de « Saint Etienne, patron de la paroisse » et confirme la tradition orale disant qu’ « elle réunit traditionnellement les familles autour d’un repas ». Mme Durand écrit le 6 août que les fours sont en feu, que les femmes échevelées ont pâtissé et brioché toute la nuit. Le matin, messe à l’église suivi d’un grand dîner chez le curé. Dans le pays, on invite aussi, les amis et les parents, les femmes se sont parées, la musique se promène pour inviter à la danse. Le 6 août 1866, l’employé Etienne Pointet junior écrit : « Nous avons passé le dimanche très tranquillement. Mollard n’a fait que casser quelques verres et quelques tasses à la vogue » : il y a donc déjà des attractions.

    Dès 1936, elle dure quatre jours. C’est une des plus longues du département. Les expatriés reviennent à la maison  pour la vogue, tradition que  l’on ne manque pas. Son succès est toujours le même, s’adaptant aux générations. Seules les périodes de guerre l’ont touchée.

    A tour de rôles les comités des fêtes, les conscrits, les sociétés locales se sont toujours relayées  afin que la vogue perdure avec ses traditions et ses  innovations.

    Se référant aux archives écrites ou orales, les forains ont toujours été d’avant-garde. La  Maison Merlin,  installée sur la commune de générations en générations, à la pointe de la construction de manèges, attirait les industriels forains permettant à Jujurieux de bénéficier rapidement des dernières nouveautés.

    Aux attractions foraines les organisateurs  ont toujours ajouté le petit plus qui rendrait la fête peu ordinaire. En plus des aubades, feux d’artifices et autres, ils incorporèrent avec réussite des défilés de chevaux, des  courses cyclistes (la  première eut lieu en 1923), course de caisses à savon, défilés  costumés, corsos fleuris. Plus récemment on a vu apparaître les choupettes  (éléments masculins travestis en majorettes)  et le babyfoot à taille humaine.

La vogue de 1936 eut un programme très chargé : concert des Jeunes Amis  le samedi,  aubade le dimanche matin avec les sapeurs pompiers, suivie d’un simulacre d’incendie et concours de pompes. Après midi consacrée  à une cavalcade de chars fleuris et le grand retour de Françoise, Madame Lavogue, accompagnée de son mari le brigadier Pudespieds, grosses têtes qui tiendront l’affiche durant une dizaine d’années. Pour cette occasion, Jujurieux fête l’ouverture de son service postal  avec Addis Abbeba, en ballon, inauguré par le couple de grosses têtes suivi du défilé des Rois fainéants.

1945, première vogue d’après guerre est un succès sans précédent. La population est invitée par voie de presse à fêter le retour de jours meilleurs et à donner à la fête un éclat tout particulier. Les manèges sont nombreux et les festivités  chargées : concours  de chants sous la forme d’un radio-crochet. Les orchestres Klawett Jazz de Cerdon et Emonard de Jujurieux  régalent les danseurs  qui s’en donnent a cœur joie dans la poussière de la terre battue de la place. Le clou de la fête restera le remariage de Françoise et de son brigadier lors d’une gigantesque bataille de fleurs.

    Les années qui suivront seront fastes en événements. 1946, arrivée du manège de chenilles et inauguration du parquet ciré (200 m2) à l’initiative du comité des fêtes. Ce parquet fera la plaisir des danseurs de toute la région pendant de nombreuses années. L’orchestre local The Young  Jazz utilise pour la première fois des amplificateurs. Cette année là, sera la fête de la naissance de Tonin, le fils de Françoise, Madame Lavogue et son mari le brigadier Pudespieds. Des dragées furent lancées le long du parcours qui partit de Cucuen.

    L’année suivante, c’est la grande cavalcade  fleurie avec une trentaine de voitures du village.1955 est l’année où les conscrits seuls organisateurs introduisent le fameux Toro Del Fuego dans le Bugey. Cette  initiative relavant de. M. Michon (illustre forain) qui apporta son soutient financier à cette opération et qui avait découvert cet animal de feu lors d’une fête dans le Sud Ouest. Il contacta la maison Marmajou de Dax, créée en 1889 à Orist et créatrice  de cette fantaisie pyrotechnique inspirée  de  la corrida espagnole. Depuis cette époque, chaque année, sans relâche, le Toro Del Fuego clôt la vogue,  drainant un public toujours aussi nombreux.

    Il y avait également des vogues dans les hameaux comme à Chaux, Vieillard. Certaines ont duré jusqu’aux années 60, comme à Chenavel ou La Tuillière. D’autres ont disparu dès les années 20 comme à Cossieux avec son manège de "pousse pousses" sur la place du Pition.